• À 300m, ne tournez pas dans l'impasse

    L'autre jour, je suis tombé sur la numérisation d'un supplément de Cassus Belli "Manuel pratique du Jeu de Rôle". Sa lecture est intéressante. Même si beaucoup de contenu est très poussiéreux et sent bon une pratique du JdR un peu dépassée, il y a toujours quelques infos à en retirer.

    Je voudrais revenir sur l'article "Comment sauver un scenario". Celui-ci explique comment se tirer d'une impasse dans laquelle la partie serait arrivée.
    Je pense que dans un système de joueurs classique, chacune des situations bloquantes décrites peut être évitée en amont.
    Pour cela, listons les 3 causes communes de ce genre de positions inextricables.

    « C'est la faute à pas d'chance »

    La première cause typique d'une impasse est lorsqu'un résultat d'un jet de dé bloque les PJs. Que ce soit pour être passé à côté de la perception nécessaire à la suite, ou plus directement pour avoir causé la mort d'un protagoniste (PJ compris).
    C'est l'un des risques avec les SRA Aléas. Pourtant, il est facile de ne pas tomber dans ces pièges.
    L'un des corollaires du principe "le système de jeu n'est pas important" est "le système de jeu ne sert qu'à aider le détenteur de l'autorité à prendre une décision qu'il ne pourrait déterminer seul".
    On en trouve souvent une reformulation sous la forme "ne jetez les dés que lorsqu'il est intéressant que vos PJs ratent".
    Bref, l'idée est de se dire que si un jet de dé peut conduire à une situation bloquante, il ne faut tout simplement pas le faire.
    Attention, on parle bien d'une action qui est censée réussir, mais qui en cas de pas de chance et d'échec critique va entraîner une fin précipitée de la séance. Donc, sont exclus les jets pour une résolution dont l'échec est intéressant ou au moins encore jouable, ainsi que ceux qui sont obligatoires de part la cohérence de l'histoire. Si ces derniers posent un problème, c'est qu'on est dans un des deux cas suivants.

    « Ça me paraissait marrant sur le coup »

    Il peut arriver qu'un joueur fasse faire une action stupide, ou même suicidaire à son perso. Ça va d'une accusation du Prince de la ville sans aucune preuve, à la charge d'une armée, seul. Peut importe le système de jeu, la cohérence de l'histoire peut pousser dans une impasse (mort, emprisonnement pour les 20 prochaines années, protagoniste qui s'échappe et effectue son rituel final…)
    Dans le système de joueurs classique, où le MJ est détenteur de l'autorité, ça se résout très facilement : c'est au MJ de reprendre le contrôle du personnage. Non, le noble éduqué ne va pas apostropher le roi, il sait qu'il doit passer par son chambellan. Non, l'aventurier non suicidaire et sans honneur ne va pas tirer l'épée devant la vingtaine de gardes. Non, l'équipe du SWAT ne va pas pousser l'otage dans l'eau pour le protéger des terroristes, du moins pas avant de lui avoir délié les mains et les jambes. Non, un geôlier consciencieux ne va pas laisser une cellule ouverte durant sa pause, juste car ça peut être amusant…
    Ceci peut être fait subtilement, surtout quand le joueur n'a pas conscience d'aller dans le mur. Du genre : "ton perso sait, par étiquette, qu'en rentrant dans la salle il doit se présenter aux officiers". Ou "ton perso sent que s'il continue à insulter les flics, il va se faire coffrer et passer la nuit au poste". Après, on peut aussi laisser le choix une fois la mise en garde faite. "Tu es certain de vouloir ramasser l'arme du crime à main nue ?" ou "Tu me confirmes que tu jettes un œil par la fenêtre alors qu'un sniper vient d'abattre ton collègue ?"

    En fait, ces conseils ne sont pas limités à se protéger contre les points de non retours. Ils permettent d'assurer la cohérence de l'histoire, de l'univers, et du canon de la fiction. Par exemple, ils concernent notamment la question de la différence entre les connaissances, les réflexes, l'expérience et le bon sens des personnages et ceux des joueurs, et qui est un point fondamental sur lequel je reviendrai un autre jour. Il est important de ne pas faire semblant de l'ignorer, et de savoir s'en saisir pour améliorer l'expérience de jeu de la table.

    Mais tout de même, par principe du jeu de rôles, toute action relativement cohérente devrait être possible, même si cela met les personnages dans une situation insurmontable qui non seulement n'était pas prévue par le MJ qui devra rebondir, mais rend caduque tout ce qu'il avait préparé derrière. Et malheureusement, cela peut arriver sans même que l'on puisse blâmer les joueurs.

    « Il suffisait juste de parler au majordome ! »

    Le dernier cas de blocage qu'un MJ peut rencontrer est lié à un scenario scripté (je précise car ils sont loin de l'être tous). Plus précisément, lorsque des scènes, des passages, des dénouements ont comme prérequis des actions précises et réussies des PJ.
    Le cas typique est celui d'une enquête qui nécessite des indices spécifiques pour être dénouée.
    Précisons tout de suite que ce n'est gênant que pour le MJ. En effet, si le but du scenario était d'empêcher une catastrophe, et que les PJs ont échoué en étant passé à côté de l'intrigue, ils pourront toujours poursuivre l'histoire avec la gestion des conséquences de cette catastrophe. Les joueurs n'ont même pas à savoir si c'était prévu, et si le scenario comportait des directives de jeu pour cet aspect.
    Mais avec l'hypothèse d'un MJ qui a besoin de se reposer sur le scenario durant toute la séance, il faut donc éviter les situations qui le ruineraient irrémédiablement.
    Et bien ceci, ça ne dépend pas des PJs, et ça s'anticipe, simplement en relisant bien le scenario.
    Il est assez facile de repérer (d'autant plus avec de l'expérience) les points défaillants, que j'appelle carrément erreurs. Par exemple, on ne devrait jamais trouver "quand les PJs feront ça", mais à la place des "si les PJs font ça".
    Dans les scenarios d'enquête, il existe des conseils spécifiques à base de redondance de pistes, mais il ne faut pas s'y limiter. Que faire si les persos ne trouvent strictement rien ? S'ils ne comprennent pas l'intrigue, alors l'intrigue doit venir à eux. Des PNJs, des lieux, des scènes, des conséquences… De nombreux éléments peuvent croiser leur route par hasard ou poussés par leurs diverses motivations. C'est ce genre de précisions qui sont nécessaires pour qu'un scenario soit un minimum correct.


    Bon, beaucoup d'évidences dans ces conseils. Mais au moins ils serviront pour ceux qui n'auraient pas pensé qu'au final, mieux vaut prévenir que guérir.

    « Le système n'est pas l'universLes Archanges et les logiciels libres »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :