• Que peut-on partager ?

    On est en 2016, et on entend encore des expressions comme narration partagée, avec en plus des personnes qui expliquent très sérieusement que cela a un sens.
    Avant de détailler leur fourvoiement, je vous propose une définition :

    Jeux de rôle sociaux
    On appelle jeu de rôle social, un jeu de rôle dans lequel intervient une communication, des échanges entre joueurs, des interactions humaines.
    Certes, c'est un petit peu la base de tous jeux de rôle, mais c'est pour distinguer ceux où c'est notable.

    Je dois continuer à enfoncer ?
    On voit bien que cette définition est inutile car elle englobe tous les jeux de rôles, et que si elle cache une idée sérieuse il faudrait radicalement changer de terme.

    Et bien c'est pareil pour la narration partagée

    Pourquoi ne doit-on pas dire "narration partagée"

    Tous les jeux de rôles partagent la narration. Si ce n'est pas le cas, cela veut dire qu'un seul joueur narre, pendant que les autres écoutent. Ça s'appelle du conte, et ce n'est plus du jeu de rôle.

    Et c'est là où certains arrivent en disant qu'il ne faut pas comprendre le terme narration sous son sens habituel, mais plutôt comme le fait de pouvoir avoir la main sur la fiction. Et bien cela, chers amis, c'est ce qu'on appelle déjà l'autorité partagée.

    L'autorité partagée

    Dans le cadre du jeu de rôle, l'autorité est la possibilité de définir ce qui est vrai dans la fiction.
    C'est d'ailleurs pour cela que certains théoriciens précisent « autorité fictionnelle », par opposition par exemple à « autorité organisationnelle », qui traiterait des questions du genre qui décide où on joue et quel jour, et qui ne sont pas propre au jeu de rôle. On s'en tiendra donc ici à « Autorité ».

    Dans un système de joueur classique, l'autorité est concentrée et délégable.

    Concentrée signifie que c'est un joueur qui détient toute l'autorité. On l'appelle le MJ (d'où le célèbre le MJ a toujours raison).
    C'est l'occasion de revenir sur une étrange erreur lue l'année dernière. Contrairement à ce que certains croient, le MJ peut tout à fait imposer ce que pense ou ressent un PJ. Les raisons vont du background de l'univers ou du perso, jusqu'à l'effet magique ou surnaturel. (Ce n'est pas le sujet de l'article, aussi demandez-moi en commentaire si vous voulez des exemples)

    Délégable signifie que la plupart du temps, le MJ ne garde pas toute cette autorité, et la délègue aux joueurs. Par exemple, l'état tacite est que les joueurs ont l'autorité sur leur PJ.
    Cependant, comme on l'a vu plus haut, il peut à tout moment reprendre cette autorité, en mettant son veto à une proposition d'un joueur. Je récupère le porte-feuille de la victime Non, car le cadavre déchiqueté te révulse tellement que tu ne peux approcher.

    Dans des systèmes de joueurs moins classiques, tout est envisageable. De l'autorité concentrée mais tournante, à l'autorité répartie selon les domaines (le décor, les PNJs principaux, les PNJs secondaires…), en passant par de l'autorité partagée (c'est à dire non déléguée, donc non révocable) à des moments définis.

    Cependant, certains n'aiment pas le terme autorité et en propose un autre, que je vais rejeter dans le prochain paragraphe.

    Pourquoi ne doit-on pas dire responsabilité partagée

    Soyons rigoureux. Il y a deux possibilités : soit le terme responsabilité désigne une notion légèrement distincte d'autorité, ce qui légitimerait son utilisation, soit il s'agit du même concept, et alors c'est une préférence sémantique.

    Étudions le premier cas.

    Si la responsabilité est distincte de l'autorité, elle y est forcément assujettie. On pourrait dire que la responsabilité consiste à pouvoir (et devoir) faire des propositions sur le périmètre de cette responsabilité, mais soumis à la validation de l'autorité (car encore une fois, sinon les deux notions seraient identiques).
    Avec cette définition potentielle, on obtient la même conclusion qu'avec la narration : tous les jeux de rôles partagent la responsabilité.
    Par exemple, dans le système de joueurs classique, les joueurs auraient la responsabilité de leur PJ. En fait, un jeu de rôle où la responsabilité ne serait pas partagée ressemblerait au théâtre participatif pour enfants : Alors les amis, est-ce que le gendarme doit mettre en prison Guignol ? Non ! Et pourtant…

    Dans le deuxième cas, où responsabilité et autorité correspondent à la même notion dans le cadre du jeu de rôle, le problème se transforme en une préférence sémantique. Et je vais vous expliquer pourquoi j'opte pour le deuxième terme.
    Pour moi, responsabilité a un sens négatif. C'est un devoir, une obligation. Et cela sous-entend des notions de culpabilité, puis de punitions.
    De Tu avais la responsabilité de ce PNJ. Si les PJs l'ont ignoré c'est parce que tu l'as mal joué. C'était ta responsabilité jusqu'à la partie était ratée, qui en est responsable ?
    Va-t-on finir par prendre des assurances responsabilité ludique pour être couvert en cas de réclamations ?

    Mise au point à la ligne

    Tout ce billet n'a pour but que de clarifier les termes à employer. À partir du moment où il a du flou, on ne sait plus si l'on parle de la même chose ou s'il y a matière à débat.


    Les deux points à retenir sont :
    Concernant le concept d'autorité partagée, cette expression est à favoriser, et il est préférable de rejeter les deux autres.
    Concernant d'autres concepts à faire émerger, ne croyez pas que je m'y oppose. Au contraire, libre à vous, en gardant trois directives à l'esprit : assurez-vous qu'il s'agit bien d'une notion distincte de l'autorité, vérifier qu'elle n'est pas toujours partagée (ou au contraire jamais), et pour finir n'utilisez pas les termes « narration » ou « responsabilité », déjà trop galvaudés.

    « Lettre ouverte au Grog et à OpaleLe système n'est pas l'univers »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :