• Pour en finir une fois pour toute avec le GNS

    Le modèle GNS est une théorie du jeu de rôle élaborée à la fin du XXème siècle sur The Forge.
    Elle a permis de nombreuses discussions et recherches plus avancées, mais s'est révélée obsolète, de l’aveu même de ses concepteurs.
    Cependant, je rencontre encore des rôlistes qui se basent dessus et s'en servent dans leurs descriptions ou leurs théories.
    De la même façon que pour le système de Ptolémée, on peut être reconnaissant de ce premier pas théorique. Cependant s'y référer autrement que d'un point de vue historique est incorrect, voir nocif.

    Démontrons ceci implacablement.

    Le modèle GNS est inutile

    Le but de la théorie rôlistique est (je pense) d'arriver à faire les meilleurs parties de JdR.
    Ici, le GNS introduit une partition qui permet de classer les comportements dans 3 catégories, ce qui autorise au jeu/scenario/joueurs de s'entendre sur la façon de jouer.
    Afin de montrer que le GNS est inutile, il suffit d'exhiber, pour chacune des 3 catégories, 2 comportements qui ne peuvent être satisfaits de la même façon.

    Ludisme

    Selon la définition, on trouvera dans le ludisme le joueur qui cherche à résoudre une enquête, ainsi que celui qui cherche à tuer les monstres les plus gros. Pas besoin de détailler davantage.

    Narrativisme

    On trouvera dans le narrativisme à la fois le joueur qui cherche à imposer le plus de choix moraux déchirants à ses persos, au risque de mettre l'histoire de côté (ou à la réduire à néant), que celui qui cherche justement la fiction la plus intéressante possible.

    Simulationisme

    Lors d'une démarche simulationiste, les joueurs cherchent à explorer un univers ou un canon esthétique, de façon cohérente. C'est pour cela que dans une partie de StarWars, un joueur simulationiste pourra vouloir s'investir dans la découverte de l'ordre Jedi notamment dans leurs méditations solitaires, alors qu'un autre préférera approfondir la vie agitée des contrebandiers. On peut trouver un autre exemple à L5R avec le courtisan qui cherche des intrigues de cours et le bushi qui rêve d'explorer l'outremonde.

    Le modèle GNS est faux

    Soyons encore plus radical. Le GNS affirme qu'il existe une partition pour catégoriser des comportements, des attentes. On a vu précédemment qu'au sein d'une même catégorie les désirs étaient finalement toujours aussi différentes. Mais montrons maintenant qu'il est faux de pouvoir les classer dans ces 3 catégories.
    Pour cela prenons l'exemple suivant : un joueur souhaite jouer un détective dans un scenario d'enquête, démêler l'intrigue jusqu'à comprendre l'affaire.
    Si l'on suit la théorie, il est ludiste (car il va chercher à trouver des indices, des preuves, des aveux, retenus cachés par le MJ ou le scenario), il est narrativiste (à la fois car il souhaite une enquête intéressante, avec probablement des choix moraux (comment interroger cette personne ? En lui mentant, en lui apprenant brutalement un décès…) et une affaire palpitante), et il est simulationiste (car, cela va de soit, il faut que l'intrique soit cohérente).

    Le modèle GNS est dangereux

    Étant à la fois inutile et faux, le GNS est dangereux lorsqu'on se base sur sa théorie pour catégoriser des comportements. On risque d'arriver à des situations catastrophiques où l'on conclurait hâtivement Ce joueur est ludiste, faisons-le jouer à tel jeu, celui-ci est narrativiste car il a aimé tel autre jeu, excluons-le de notre table de simulationistes…


    J'espère qu'avec cette démonstration j'aurais convaincu les derniers partisans de ce modèle, et qu'à l'avenir on arrêtera d'entendre des phrases comme ce jeu est narrativiste ou ce scenario est ludiste car ça ne veut rien dire, et ça ne sert à rien !

    « Le SRA alea nuit à l'immersionBoule de neige »

  • Commentaires

    1
    Adrien
    Lundi 27 Avril 2015 à 11:05

    Lorsque tu dis que deux joueurs ont des attentes différentes qui correspondent à un même "proposition créative", cela ne nie rien. Dans les traductions de Ron Edwards (http://ptgptb.fr/le-lns-chapitre-2), sont citées les erreurs classiques d'interprétation :


    "Confondre le tout avec une partie, au sein d'une Prémisse : Prétendre que toute personne orientée Simulationnisme doit s'amuser dans toute partie Simulationniste."


    Je peux aimer l'enquête en tant que défi contre les autres joueurs/MJ pour trouver le premier la solution. Je suis effectivement dans une optique ludiste. Cela n'implique en rien que je dois aimer tous les jeux mettant en avant la proposition créative ludiste (de même pour les deux autres propositions créatives).


     


    Ton exemple où tu tente de nier le classement possible, tu dis que ton enquête est à la fois ludiste, narrativiste et simulationiste.


    - Est-ce que ce joueur peut ne pas réussir l'enquête ? Est-il en compétition contre d'autres joueurs ? Si cet élément est mis en avant dans le jeu, ce jeu met en avant une proposition créative ludiste.


    - Si l'enquête n'est pas un puzzle, mais un prétexte pour des dilemmes moraux, ce sera du narativisme.


    - Si l'enquête se déroule en respectant un cadre esthétique, une ambiance définie à l'avance (enquête à la Buffy contre du surnaturel, enquête à la NCIS, enquête à la sherlock holmes), la partie sera simulationniste.


     


    En disant : "il est simulationiste (car, cela va de soit, il faut que l'intrique soit cohérente)." tu te trompes grossièrement. Je cite une autre erreur typique d'interprétation du GNS : "Confondre Simulationnisme avec le terme « réalisme ». Beaucoup de parties et de création de JdR Simulationnistes se sont certes centrées sur création de conséquences réalistes, mais ceci est un sous-ensemble historique de la Prémisse plutôt qu'une partie constituante de la définition de la Prémisse." dans la traduction de ptgptb


     


    Afin de clarifier l'utilité du GNS : "Si on l’utilise correctement, le terme s’applique uniquement à des décisions, pas à une personne ou à un jeu. Afin de dissiper tout malentendu, je précise que dire qu’une personne est, par exemple, ludiste, n’est qu’un raccourci pour dire « cette personne a tendance à prendre des décisions en jeu selon des objectifs ludistes ». De même, dire qu’un JdR est, par exemple, ludiste, n’est qu’un raccourci pour dire « Le contenu de ce JdR facilite la prise de décision et les préoccupations ludistes ». Pour le meilleur et pour le pire, ces deux façons de parler sont assez courantes."


    Le modèle a été rejetté par son auteur non parce qu'il est erroné, mais parce qu'il est sujet à trop d'incompréhension. L'objectif de ce modèle était de permettre aux joueurs/MJs/créateurs de jeux de comprendre pourquoi leurs parties sont disfonctionnelles (quand elles le sont !). Au vu des désaccord sur les termes, il invite les joueurs à discuter sur l'ensemble des éléments qui conduisent à la classification GNS plutôt que sur cette classification même.


    Je copie/colle une partie de l'arcticle wikipédia sur ce rejet de Ron Edwards (il reprendre et traduit les éléments cités ici http://indie-rpgs.com/archive/index.php?topic=12794.0) :


    " Ron Edwards préfère se référer à un contrat social qui définit :



    • l'exploration, qui est le moyen du jeu (imagination communicative) ;

    • les techniques qui en découlent, et qui sont les procédures de jeu ;

    • les éphémères, qui découlent des techniques, et qui sont ce que font les joueurs instant après instant ;

    • les attentes créatives étant ce qui articule tout cela."

    2
    Lundi 27 Avril 2015 à 11:30

    Adrien,

    Pour l'exemple de l'enquête, le point mis en avant est qu'il est possible de répondre oui aux 3 questions que tu listes, et donc arriver à un classement dans 3 catégories supposées exclusives. Attention, je n'affirme pas que chaque comportement s'inscrit forcément dans les 3 catégories. Mais il suffit qu'il en existe (surtout un cas très commun comme celui-ci) pour invalider le modèle.

    Par ailleurs, je ne confonds pas simulationiste avec réaliste : par exemple, je n'ai nul part précisé qu'il fallait que les faits scientifiques soient exacts. J'ai dit "cohérent" (à ne pas confondre avec réaliste), car la cohérence fait partie des canons des fictions d'enquêtes, et le simulationisme cherche donc à s'y rattacher.

    Je suis d'accord qu'on cherche tous à éviter des parties dysfonctionnelles, et des catégorisations utiles existent pour cela (ex : immersions multiples, dissipatif/intégratif). Mais pas celles du GNS, et c'est même une perte de temps car j'ai montré qu'elles étaient inutiles et fausses.

    Pour donner un exemple caractéristique concret : dans un compte rendu de partie de Vampire, les personnages avaient un but, et les joueurs souhaitaient les voir réussir. L'un des joueurs interprétant un bourrin a initié un combat, et le joueur dont le perso était diplomate a avoué s'être ennuyé. L'animateur a affirmé que c'était une belle illustration du GNS, avec le premier joueur ludiste et le deuxième narrativiste. Dommage, car selon la théorie le deuxième joueur était aussi ludiste. On a donc une analyse fausse, et qui ne permet pas de résoudre quoique ce soit.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :