• Le bonheur du Propos

    J'affirme souvent que pour définir un jeu il faut un univers et un propos.
    Mais je me suis rendu compte lors d'une discussion avec un ami rôliste que nous n'entendions pas la même chose au sujet de ce dernier.
    Il est donc temps de chercher à le définir formellement.

    Le Propos

    En se basant sur l'étymologie du mot, le propos possède une notion d'antériorité. C'est quelque chose qui a une influence avant la partie.
    Le propos d'un jeu annonce ce à quoi on va jouer. Il fait d'ailleurs, en cela, partie du contrat social.
    En effet, le propos est explicité aux joueurs. Il contient ce qu'ils ont besoin de savoir pour commencer à jouer.
    Par exemple :
    "Dans l'univers précédemment décrit, vous allez jouer des hors-la-loi dans une ambiance épique d'action et d'aventure. Vous devez rester soudés, et chercher à réaliser des prouesses grandioses."
    "Vos personnages seront des petites frappes plongées parmi des protagonistes impitoyables qui leur en feront baver, le tout dans une atmosphère désespérée au futur toujours plus sombre."
    "Vous serez des enquêteurs qui devront démêler des pistes et résoudre des énigmes en louvoyant à la frontière du surnaturel."

    Le propos permet donc d'annoncer aux joueurs des éléments importants afin qu'ils sachent s'ils vont apprécier (certains sont par exemple bloqués par les luttes entre PJs) et les guider dans leur jeu (si le propos encourage à faire des actions épiques, les joueurs auront moins d'appréhension à en tenter durant la partie).

    L'Intention

    Là où le propos est explicité aux joueurs, l'intention d'un jeu (ou d'un scenario) est ce que l'auteur espère obtenir en y jouant. C'est d'ailleurs souvent dans des notes d'intention que ces indications sont révélées.
    Dans : "Vous aller jouer des jeunes fanatiques religieux, et la partie devrait vous émouvoir par les dilemmes moraux qu'ils vont rencontrer", la première proposition est le propos, la deuxième l'intention.
    Même découpage dans "Vous interpréterez des aventuriers, dans une campagne qui va vous dépayser".

    L'intention ne donne pas de directives à tous les joueurs, mais uniquement à ceux qui vont détenir l'autorité, typiquement le MJ. Celui-ci sait alors comment orienter la partie, en plus des informations que lui apporte le propos.
    Cette distinction est importante, car contrairement au propos, l'intention peut être cachée aux joueurs.
    Par exemple, on pourrait dire que le propos du jeu Sens comporte notamment "Dans une ambiance de rébellion face à un empire oppressif vous allez jouer de jeunes recrues aux pouvoirs exceptionnels". Et c'est dans l'intention que l'on trouvera "Sens est un jeu qui devrait amener les participants à s'interroger devant des problématiques philosophiques".
    Garder l'intention cachée permet de surprendre les joueurs (par exemple une enquête annoncée comme réaliste qui bascule dans le fantastique), mais aussi de les amener là où ils n'auraient pas forcément été d'eux même si cela était annoncé dès le propos. D'ailleurs, cela peut passer pour un piège auprès de certains, aussi il est recommandés de bien connaître ou choisir ses joueurs.
    Si un auteur ou un MJ souhaite que les joueurs abordent des problématiques, il peut l'inscrire dans le propos pour les prévenir et leur permettre de la mettre en avant (aux joueurs : "La partie tournera autour du pardon") ou dans l'intention si les joueurs doivent y réfléchir par eux-même (au MJ : "toute cette enquête et ces interactions avec les PNJs doivent les amener à se confronter à la question du pardon").
    Si on devait mettre des mots sur les concepts, on pourrait dire qu'une intention annoncée est une promesse.

    Certains jeux ne possèdent pas d'intentions. Si l'on met de côté le cas où il s'agit simplement d'un jeu mal fait, la plupart du temps c'est que les auteurs laissent au MJ le soin de la définir, pour sa table, sa campagne ou sa partie. Charge au MJ de la garder en tête durant sa masterisation, et éventuellement de l'annoncer aux joueurs.
    Par exemple, lors de mes parties et écritures sur INS/MV, j'explicite que mon intention est d'en faire un jeu politique.

    Extrapolation matters

    Dans un jeu au système de joueurs traditionnel, où un joueur concentre l'autorité délégable, il est important que ce dernier soit conscient du propos et de l'intention, car il est responsable de leur transmission aux joueurs.
    Je vais tenter une extrapolation sûrement contestable. Pour les jeux qui se revendiquent de l'école "system matters", dont pour rappel je ne fais clairement pas partie, c'est le système qui est censé fournir tous les éléments pour porter ce propos et cette intention. Et si le propos, clair et bien défini, peut apparaître explicitement dans les règles, l'intention peut peut-être émerger via le vide fertile, cette propriété du système à orienter les joueurs vers un certain type de créations. Ce phénomène, qui n'était pas prévisible avant de jouer, permet de soutenir l'intention de l'auteur.

    Triplé gagnant

    Il apparaît donc que l'intention d'un jeu est distincte du propos, et en est un constituant essentiel. Le déroulement d'un jeu ou d'un scenario peut être complètement modifié rien qu'en agissant sur l'intention.
    Les auteurs doivent s'employer à détailler leurs notes d'intention afin qu'elle soit transmise de façon optimale.

    Aussi désormais, j'affirmerai que pour définir un jeu, il faut ces 3 éléments : un univers, un propos, et une intention.
    Et si cela est volontaire et justifié (par exemple pour être laissés à la discrétion des joueurs), certains de ces éléments peuvent être vides.

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