• Après plus de 6 ans d’activité, j’ai décidé d’arrêter de jouer à la Camarilla. Cette décision a été prise après une réflexion de plusieurs mois, et qui comporte différents éléments théoriques qui peuvent être intéressants à partager ici.

     

    Voir la suite de l'article sur https://qua.name/rolistologie/pourquoi-jarrete-la-cama


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  • The Climb est un jeu de Jason Morningstar. Il s'agit d'un GN d'une durée d'environ 1h30, 2h, pour 6 joueurs. Il s'inscrit dans le mouvement Jeep Form, et plus particulièrement l'American Free Form.
    Pour résumer le pitch, les personnages font partie d'une ascension qui pour des raisons météorologiques impose de déterminer qui seront les 3 alpinistes qui atteindront le sommet.
    J'ai pu y jouer grâce à Steve J (de Radio Rôliste) qui l'avait apporté lors d'un WE rôliste.
    Ce fut un échec, et je vais détailler pourquoi. Mais certains éléments sont très intéressants et méritent d'être étudiés et réutilisés.
    Cette critique va fatalement dévoiler certains pans du jeu, aussi il est déconseillé de la lire si vous voulez le jouer pour la première fois.

    Mauvaise direction

    Le premier soucis n'est pas lié au jeu, mais aux joueurs. Plus précisément, nous n'avons pas joué comme il le fallait, car nous n'en avions pas reçu l'instruction.
    Je ne sais pas si le jeu comporte un propos à livrer aux joueurs, et que Steve J (qui était occupé avec une autre partie de JdR) aurait omis de nous fournir. Mais a posteriori, voici l'analyse qu'il en résulte :
    Durant le jeu, les joueurs doivent avoir une immersion P-N+U+ ou P-N+U-. C'est à dire que les joueurs doivent chercher à créer de la fiction, et à rebondir sur les créations des autres joueurs. Il ne faut surtout pas être immergé dans le personnage car celui-ci ne doit pas mentir (sauf si cela est visible). L'immersion univers est discutable : il faut certes rester cohérent avec les bases (ascension, météo) et le canon esthétique (l'alpinisme, et les obstacles classiques, du manque d'oxygène au froid), mais les joueurs sont libres d'apporter des éléments supplémentaires si cela enrichit la fiction.
    Illustration : le background des personnages est très pauvre. Une fonction dans l'équipe d'ascension, la raison de vouloir être au sommet, et une ligne de relation avec les autres personnages, du genre "vous avez l'habitude de travailler avec un tel, il fait du bon boulot".
    Les secrets (du style "vous avez couché avec la femme d'un tel") sont minimalistes, et voués à être découverts pour en faire des moteurs de narration.
    Tout le reste doit être tissés à partir des éléments apportés par les joueurs.
    Or, nous, joueurs, n'avions pas été informé de ces directives. Même si en tant que rôlistes sur tables nous étions nombreux à connaître, pratiquer (ou même écrire) des jeux à autorité partagée, et donc à expérimenter les immersions P-N+U+ ou P-N+U-, dans ce GN, faute d'instructions, nous nous sommes immergé dans le personnage comme dans toutes les murders ou GN que nous avions pratiqués par le passé. Le fait que le jeu ait l'étiquette American FreeForm n'était pas suffisant, car il aurait pu s'agir d'innovations scénographiques, de règles particulières supportant l'ambition du jeu, ou d'un scenario particulièrement touchant.

    Exemple concret de dysfonctionnement : reprenons le background du personnage A qui contient "vous avez l'habitude de travailler avec personnage B, il fait du bon boulot". Lorsque personnage C est venu demander à personnage A ce qu'il pensait de B, celui-ci a répondu en substance qu'il n'avait pas à s'en plaindre, et qu'il le prendrait volontairement au sommet avec lui.
    Alors que la bonne approche aurait été d'abord de déterminer ce qui était intéressant pour la fiction : est-ce que B doit avoir des arguments pour monter, ou au contraire des raisons de l'en empêcher. Le raisonnement est bien à faire en étant immergé narration et non-immergé personnage. C'est à dire, est-ce qu'un narrateur externe jugerait pertinent de donner un argument positif, par exemple pour le mettre en concurrence avec un autre personnage, ou même pour qu'il fasse la quasi-unanimité afin que l'attention se porte sur les autres candidats, ou sur ceux qui le dénigrent. Le but n'est pas de donner l'avis de personnage A sur personnage B, mais d'ajouter des éléments, inventés, sur lesquels les autres joueurs (et non perso) rebondiront.
    La suite de cette bonne approche est justement d'improviser les réponses. Par exemple si l'on veut favoriser personnage B, la réponse de A aurait pu être "j'ai complètement confiance en B, il m'a sauvé deux fois la vie lors de l'ascension de l'Everest" ou "il a l'habitude de sacrifier ses portions d'oxygène pour ses camarades". Si l'on veut le défavoriser : "J'ai confiance en B, il est fiable tant qu'un médecin (rôle d'un des joueurs) est présent dans l'équipe. Dans le cas contraire il risque de refuser de monter", ou "J'ai confiance en B, il est fiable dans son rôle. Certes il y a ces rumeurs de détournement de bouteilles d'oxygène, mais je ferme les yeux devant la qualité de ses services".
    Et enfin, la dernière étape est d'accepter ces nouveaux éléments et de rebondir dessus, comme dans le théâtre d'impro. Si l'on confronte B avec "Alors, il parait que tu voles des bouteilles d'oxygène", il ne faut pas que le personnage nie, comme un joueur pourrait le décider dans une murder "classique" où l'immersion Personnage est requise. Ici, le personnage, après peut-être une défense minime, doit reconnaître les faits, et le joueur va ensuite chercher à broder dessus. Par exemple en inventant une justification ("J'ai besoin d'argent pour ma fille, depuis la mort de sa mère"), un compromis source de rebondissements futurs ("Si vous voulez, je m'engage à monter sans oxygène"), ou une diversion ("Je ne récupère que des bouteilles inutilisées, après la descente. C'est quand même moins grave que personnage D qui n'accroche qu'un mousqueton sur deux, mettant l'autre dans sa poche !")

    La temporalité du jeu est décomposée en une première partie d'environ 45 minutes, où il s'agit officiellement de déterminer la sous-équipe qui montera, mais surtout de créer de l'histoire, du drame, des tensions entre les personnages, afin d'alimenter la deuxième partie du jeu.

    Dans notre séance, à la fin de la première partie, les matériaux étaient vraiment pauvres et éparses, comme expliqué précédemment. Aussi lors de la deuxième partie, au moment où nous réalisions notre fourvoiement, il était trop tard, et celle-ci fut plutôt fade.

    Fausse bonne idée

    Avant d'expliquer la deuxième erreur, propre au jeu, il est nécessaire de détailler l'une de ses innovations fortes.
    Le jeu se joue avec 3 tentes, où peuvent se tenir 2 personnes, de façon inconfortable mais acceptable, ou 3 dans des conditions trop limites pour durer plus que quelques minutes. Les règles sont formelles, impossible de tenir à 4 malgré les sacrifices que les joueurs consentiraient à faire.
    De plus, la partie se joue avec une bande son qui reproduit le sifflement du vent et de la neige. Elle est optionnelle, et plus que de mettre dans l'ambiance, elle a un rôle important dans les discussions, empêchant les communications de tente à tente.
    Le but est de forcer les joueurs à se retrouver dans un espace exigu et confiné avec un autre joueur, et d'avoir des conversations privées. Sous une tente, impossible d'impressionner son interlocuteur par des effets de manche littéraux. Impossible de prendre à parti un autre personnage. Impossible également de se soustraire de l'interrogatoire : où iriez-vous si toutes les autres tentes sont pleines ?
    C'est l'élément clé à retenir de ce jeu, et à réutiliser. On peut facilement voir déjà les applications à d'autres murders, notamment celles où les personnages doivent intriguer, ainsi que des idées de mise en pratique (confessionnaux pour des moines qui ailleurs doivent faire vœux de silence, capsules de survie 2 places entre lesquelles des spationautes volent durant une panne radio...)

    Cependant, pour The Climb, on a une grave erreur de design.
    Comme on l'a vu plus haut, le jeu doit reposer sur une immersion Narration, et une non-immersion Personnage. On est dans le code du théâtre d'impro. Les joueurs apportent des éléments générateurs de fiction et les autres rebondissent dessus. Si ça marche bien en impro, c'est notamment à cause d'un principe très simple : tous les participants sont au courant. Si un improvisateur se mime avec un bâton dans les mains et affirme "ça mord pas trop aujourd'hui", tout le monde sait, et accepte, qu'il pèche. Un autre personnage ne peut lui demander "Alors, vous avez attrapé beaucoup de papillons ?" en l'imaginant avec un filet au bout des mains. Bon, d'accord, ça arrive souvent, car justement l'improvisateur a mal compris, et cela peut donner des rattrapages hilarants, mais dans le jeu The Climb, la cohérence est nécessaire.
    Or le principe d'avoir des conversations privées, entre 2 ou 3 joueurs, empêche cette diffusion.
    Outre le fait de réduire le nombre d'éléments connus sur lesquels rebondir (et donc de nuire au déroulement souhaité du jeu), on peut même théoriquement aboutir à des incohérences inquiétantes. Que se passe-t-il si, dans une tente, A affirme "B m'a sauvé la vie à 2 reprises, notamment lors de notre dernière ascension" et que dans une autre, B avoue "Je déteste A. Si j'avais sa vie dans ma main, je le laisserai mourir" ?
    Une solution, qui peut paraître étrange à ceux qui ne sont pas habitués au Jeep Form, serait de ne jouer qu'une seule tente à la fois, avec les 3 ou 4 autres joueurs aux personnages absents en tant qu'observateurs. Mais c'est sûr que l'ambiance ressentie lorsque l'on va d'une tente à l'autre à 4 pattes avec le blizzard dans les oreilles en prendrait un coup.

    Retour au camp de base

    Je suis réellement heureux d'avoir joué cette partie, et découvert ce jeu iconique (encore merci à Steve J !).
    Même si j'ai été très déçu (et les autres participants encore plus que moi), j'en ai retiré certaines choses :
    Les raisons de l'échec de la partie sont assez claires, suite à l'analyse collective que nous en avons faite. Cela peut paraître pompeux, mais il est toujours satisfaisant d'utiliser des outils théoriques pour diagnostiquer un problème.
    Nous savons maintenant comment présenter ce jeu et diriger les joueurs, même si des grippages propres au jeu subsisteront toujours.
    L'idée des tentes est très intéressante et doit servir d'inspiration.


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  • Génération Perdue est le premier ouvrage sorti par Raise Dead édition. Ce JdR se présente comme une nouvelle version d'INS/MV, et prônant un retour aux sources.
    Je vais vous expliquer pourquoi, pour moi, ce jeu est inintéressant, et même carrément un échec.
    Vous saurez vous aussi quoi répondre lorsqu'on vous demandera si vous acceptez d'échanger un baril d'INS/MV contre deux barils de GP.

    Le contenu

    Je ne vais pas vous parler ici du prix, du format, de la qualité (au rendez-vous), des illustrations, des nouvelles, de la mise en page… Ce sont des éléments importants, mais qui n'ont presque pas d'influence sur une partie.
    On va donc se concentrer sur le contenu, et ce qui fait l'essence d'un jeu : le background et le propos.

    Le background

    L'univers du jeu est celui de notre univers contemporain dans lequel sont infiltrés des créatures surnaturelles (anges et démons en première ligne).
    Tout d'abord, le jeu se présente comme se déroulant dans l'univers du jeu INS/MV, avec une catastrophe qui a changé la donne. Soyons direct : c'est faux. Les deux univers sont fondamentalement distincts. Il y a trop d'incohérence avec le background d'INS/MV pour que ce soit crédible. Je ne peux pas trop rentrer dans le détail, car cela gâcherait le plaisir de nouveaux joueurs. Croyez-moi, écoutez les autres critiques des joueurs d'INS/MV, ou demandez moi plus d'infos en privé si nécessaire.
    Par ailleurs, en utilisant l'argument de la catastrophe qui a rendu amnésique les anges et les démons, les auteurs souhaitent permettre aux nouveaux joueurs de s'approprier ce nouvel univers. C'est louable. Facile, mais louable. Cependant dès qu'on creuse, tout s'effondre.
    Premièrement, certains protagonistes ne sont pas sujets à cette amnésie. Cela présente donc immédiatement deux inconvénients. À la fois l'univers se voit rattaché à un autre univers potentiellement inconnu des joueurs (MJ compris évidemment), détruisant la charitable intention. Et par ailleurs cela introduit les incohérences évoquées plus haut, que l'on aurait pu éviter avec un univers vierge.
    Deuxièmement, cet événement cataclysmique qui a provoqué l'amnésie globale, et qui serait une source d'intrigue fondamentale, n'est et ne sera pas explicité, si l'on en croit les affirmations de Croc. Je pense que c'est plus que de la facilité, mais carrément du foutage de gueule.

    Le propos du jeu

    Je n'ai pas la place de détailler ici, mais le propos d'INS/MV est très riche. Le principe d'incarner des anges et démons qui orientent l'humanité selon les directives d'une hiérarchie ou selon leur propre sensibilité ouvre de nombreuses et fertiles séances de jeu.

    Dans Génération Perdue, plusieurs constatations.

    Premièrement, plus d'administration. On se prive donc d'un ressort de dilemmes moraux (comme je le détaillerai dans un prochain article).

    Deuxièmement, on a un propos très fermé. Les anges et les démons sont là pour s'affronter.
    Je cite : C’est le rôle actif des Anges et des Démons sur Terre : trouver et détruire ses frères ennemis.
    Encore plus caricatural : une pulsion irrésistible [pour] la recherche et la destruction de l’autre.
    Associé à cette réduction du propos, on constate une disparition de supérieurs (et de possibilités). Andromalius, Asmodée, Beleth, Scox, Mamon, Uphir, Blandine, Novalis, Ange, Alain, Guy, Yves, Jean, tous les supérieurs musulmans…

    En résumé, on est incité à jouer des bourrins qui se bastonnent, dans une ligne de conduite aveuglément dirigiste.
    Exit les manipulations subtiles et les alliances de circonstances, mais également des dissensions politiques et les questionnements sur certains bien-fondés.

    Pari perdu

    GP est donc doublement raté.

    En tant que successeur d'INS/MV il échoue à s'inscrire dans son univers, il sabre de nombreuses possibilités, et il réduit son propos.
    Les anciens joueurs d'INS/MV en sont, fort logiquement, très déçus.

    En tant que nouveau jeu, il se plante dès la présentation de l'univers, ou plutôt son absence. La tentative de le rattacher à celui d'INS/MV est un échec, et serait plutôt révélateur d'une fumisterie des auteurs, qui au mieux n'ont pas réussi à se positionner entre nouveau jeu ou INS/MV 5, ou au pire ont eu une flemme inexcusable en espérant que la "franchise" ferait le reste.
    Les nouveaux joueurs, livrés à eux même, devront créer leur propre background une fois la déception passée…

    Qui peut le plus peut le moins

    Certains enthousiastes défendent GP avec des arguments à première vue pertinents, mais qui ne tiennent pas si on compare ce jeu à INS/MV.

    D'abord, en substance : « Le principe de la disparition de l'administration et des PJs livrés à eux-même offre un souffle nouveau au jeu. »
    Je vous invite alors à regarder du côté de la campagne (certes perfectible) New World Order, qui met notamment en scène une coupure avec le Paradis et l'Enfer, de façon cohérente et justifiée.
    Ou alors, si c'est l'ambiance survivaliste avec des persos qui doivent se débrouiller seuls, je vous suggère de jouer un groupe de renégats, par exemple cachés au fin fond de l'Australie, qui chercheront à échapper à leurs poursuivants tout en profitant de leur liberté.

    Ensuite : « c'est un retour aux sources d'INS/MV, sans les méta-plots complexes et factions plus ou moins secrètes. On se fout sur la gueule, sans se prendre la tête. »
    Mais qu'est-ce qui vous empêche de faire ça avec INS/MV ? Ce n'est pas parce qu'on vous a décrit la marche du Gothic Horror que vous n'avez plus le droit de jouer sur Terre !
    Il y a d'ailleurs une extension dédiée à ce style de jeu simple, au titre parfaitement évocateur : Old School.

    Pour finir : « On va pouvoir jouer la vie des persos, avec leurs actions au jour le jour pour faire progresser leur cause, plutôt que des missions administratives artificielles. »
    Vous savez que dans INS/MV, l'immense majorité du temps les anges et les démons ne sont pas en missions officielles ?
    Que font-ils alors ? Ils font des actions au jour le jour pour faire progresser leur cause.
    Donc c'est déjà quelque chose qui est jouable. Et, encore une fois, une extension s'y est même spécialisée : Sur la Terre comme au Ciel.

    Bref, en quelques mots : on peut faire jouer tout ce que propose GP avec INS/MV (avec en bonus un background cohérent). Par contre l'inverse est évidemment faux.


    Maintenant, vous savez quoi faire avec vos barils !

     

    Edit : si ce n'est déjà fait, je vous conseille de lire la critique aiguisée de Steve J


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  • Attention, je n'ai pas lu le livre de base de Dogs in the Vineyard.
    Ma critique se basera donc sur les parties jouées, et sur les retours d'autres rôlistes.
    Par exemple, je n'aborderai pas la création de villages qui est je pense assez intéressante.
    Et, comme c'est l'esprit de ce blog, je ne vais pas prendre de pincettes…

    Dans cet article, je vais d'abord détailler pourquoi selon moi Dogs in the Vineyard échoue à transmettre le propos présenté.
    Puis je vais lister une série de corrections et améliorations à apporter, en les illustrant dans un scenario que j'ai fait jouer.

    Pour ceux qui n'ont pas le temps de lire en entier, Dogs in the Vineyard est desservi par son système de jeu, et on obtient un meilleur résultat en le supprimant.

    Dogs in the Vineyard avec système de jeu

    Rapide présentation

    Le propos est de jouer de jeunes fanatiques religieux qui rendent la justice au far-west, en étant soumis à des dilemmes moraux.

    L'univers peut se rapprocher de celui des mormons, les habitants des villages étant fortement religieux et conservateurs. Les PJs sont des dogs, des jeunes gens qui ont été éduqués dans la religion afin d'appliquer la loi divine durant leurs quelques années de service. Ils sont appelés par les villages lors de problèmes surnaturels ou lors de décisions difficiles à prendre.
    Au sujet de ce surnaturel, sa présence réelle ou fantasmée est un curseur laissé au bon vouloir du MJ.

    Le système de joueurs est classique, avec deux exceptions notables, où le MJ n'a plus l'autorité : tout d'abord les PJs ont le loisir de se créer des relations avec les PNJs rencontrés (avant le scenar ou pendant), et ensuite ce sont les joueurs qui ont l'autorité sur le contenu du Livre, qui renferme le texte (et donc les règles morales) de la religion.

    Le système de jeu définit les personnages par 4 caracs, des traits, des relations (pondérées) et des possessions (également pondérées).

    Le SRA est une base d’aléa : il faut lancer un certain nombre de dés de taille variable (en fonction des attributs des personnages), puis les regrouper afin de faire des mises et de contrer les mises de l'adversaire. Lorsque le défi semble perdu, il est possible d'escalader un nombre fini de fois pour avoir des dés supplémentaires.

    Un dernier point : le propos de ce jeu n'est pas de faire de l'enquête, mais d'arriver directement aux décisions à prendre. Ainsi, le MJ est encouragé à divulguer rapidement les informations afin que les PJs aient tous les éléments pour trancher.

    Pourquoi le système de jeu plombe Dogs in the Vineyard

    Allons-y directement : le système est plus qu'inutile, il va contre le propos du jeu.

    Premièrement, il est très lourd. En exagérant à peine, c'est comme si au moment le plus intense de la fiction le MJ disait « hop, c'est un conflit, allons faire une partie de poker qui n'a rien à voir pour décider de la suite. »
    En effet, chaque conflit se résout en passant un temps fou à lancer des dés, à calculer, à les regrouper, à faire des étapes interminables pour au final aboutir à un résultat aléatoire.

    Les défauts sont nombreux :
    Cette mécanique sort de la fiction. Cette longue pause forcée est donc nuisible aux 3 immersions.
    Durant tout le temps de cette partie de dés dans la partie de JdR, on manipule les caractéristiques des persos (« tiens, je vais utiliser mon gros livre, ça me donne des bonus ») en ne cherchant plus vraiment à se raccrocher à la fiction, tant son impact est limité. Par exemple, dans le cas (commun) d'une discussion, que l'argumentaire soit décisif ou stupide ne va pas modifier le résultat des dés. Aussi les joueurs ne sont pas incités à impliquer leur perso.
    Par ailleurs, quand j'affirmais (sans développer) que le SRA aléa nuit à l'immersion, on en a une illustration ici. Lorsqu'on constate que le perso et ses décisions n'ont aucune influence sur l'issue, régie uniquement par la chance aux dés excepté les choix arbitraires de s'ajouter des dés (objets/relations/escalade), on se détache à la fois du conflit et de la fiction.
    Bref à la fin de la résolution d'un conflit on a juste envie de dire « la prochaine fois, on fait juste un pile ou face : on gagnera du temps et ça sera aussi intéressant ».

    Cette constatation assez générique et applicable à d'autres jeux est ici plutôt dramatique : en effet Dogs in the Vineyard est censé provoquer des conflits moraux, ce qui implique des choix. Donc lorsque les choix sont faits par les dés c'est fini…
    Pas d'implication et pas d'impact : le cocktail pour passer à côté du propos.

    Pourquoi des choix de design nuisent au propos

    Deux points viennent s'ajouter à la mauvaise conception du jeu, et sont à l'encontre du propos : le fait que les persos doivent rapidement avoir toutes les infos, et celui qui les définit comme des fanatiques religieux.
    En effet, et sans rentrer dans une explication qui sort du cadre de cet article, j'affirme que pour établir un terreau propice aux dilemmes moraux, il faut que les persos soient soumis à de multiples échelles de moralité.
    Ici, les persos sont des fanatiques, donc par définition protégés des dilemmes moraux. S'il y a une décision à prendre, il suffit de lire le Livre. À une situation claire, correspond une réponse claire.
    Vous voyez facilement en quoi les deux points identifiés vont à l'encontre du but du jeu. Je détaillerais plus comment contourner ça dans la seconde partie.

    Dogs in the vineyard sans système de jeu

    Suite aux constatations détaillée dans la première partie de cet article, j'ai décidé d'illustrer le fait que le système de jeu n'est pas important en proposant une partie de Dogs in the Vineyard sans son système de jeu. J'ai gardé son système de joueur, son univers et j'ai cherché à défendre son propos.
    J'ai écris un scenario (disponible pour ceux qui sont intéressés) que j'ai fait jouer. De l'avis des joueurs, et du mien, cela s'est bien passé et le contrat a été rempli.
    Si vous comptez jouer le scenar en tant que PJ, je vous conseille de ne pas lire la suite. En effet, je vais illustrer les modifications à apporter au jeu par des exemples de mon scenario.

    Le système de jeu n'est pas important

    Le premier gros bloc à jeter était le système de jeu, et surtout tout ce qui concernait la résolution des conflits.
    Donc en cas de discussion, c'est le choix des arguments et leur poids qui influe le résultat. Si un PNJ refuse de céder car ses convictions (ou ses contraintes) sont trop fortes, ce n'est pas un échec critique qui va lui faire dire « en fait c'est pas grave ! »

    Par ailleurs, les persos sont là pour rendre la justice. S'ils sortent leur flingue pour tirer, ils touchent. Peu importe donc de savoir s'ils savent bien viser ou si leur revolver brille, ce qui compte sont les situations qui les mènent à des choix moraux. Bref, plus besoin de leur feuille de perso non plus.
    Ça y est, on a supprimé tout le système de jeu, et on respire !

    Corrections de design

    Je vais rentrer un peu dans le détail de ce que j'énonçais dans la première partie.
    Le but, afin d'avoir des dilemmes moraux, est de s'affranchir de l'unique échelle de moralité. Cependant je voulais conserver le propos du jeu au sujet de jeunes fanatiques, donc impossible d'en ajouter de supplémentaire.
    J'ai dû donc jouer sur les 2 points identifiés.

    Premièrement, je n'ai pas donné toutes les informations tout de suite. Le but étant que si l'échelle reste fixe, les mesures varient au cours du temps.
    Par exemple, si les PJ découvrent que PNJ1 est coupable de C à cause de R, ils vont appliquer le livre et vouloir décréter la sanction S. Mais s'ils découvrent après que PNJ1 n'est plus coupable, ou coupable de "plus grave", dispose de circonstances atténuantes ou aggravantes, ou qu'il implique un autre PNJ, les dogs vont-ils conserver la sanction S ou se remettre en question ?

    Mais surtout, la technique la plus puissante est la destruction de l'échelle.
    En effet, quoi de plus déstabilisant pour un fanatique que de constater que ce en quoi il a toujours cru est faux ? Le PJ se retrouve alors sans filet, abasourdi et désemparé car il ne dispose plus de sa rassurante échelle pour le guider : il doit faire un choix, seul.
    Pour cela, différentes méthodes. On peut utiliser l’exégèse du Livre pour appliquer une autre doctrine (c'est ce que j'ai utilisé dans mon scenar), on peut mettre en scène les précepteurs des persos qui reviennent (volontairement ou non) sur leurs enseignements, on peut faire intervenir des proches qui tentent de les convaincre de changer d'avis, on peut les confronter à l'inconnu (notamment des situations non couvertes par le Livre)…

    Un dernier point prometteur que je n'ai pas pu vraiment creuser (mais que je ferais lors de la prochaine séance) : lors de la création de son perso, un de mes joueur lui a rajouté un pêché. Cela a eu un impact majeur lors des tiraillements engendrés par ses dilemmes moraux. Et effet, c'est une autre façon de déséquilibrer l'échelle. Aussi je me demande si ce n'est pas quelque chose que je vais largement inciter. À noter que doter un dog d'humanité (en opposition au fanatisme) peut rentrer dans cette catégorie.


    En conclusion Dogs in the Vineyard est un jeu qui a du potentiel, mais qui en l'état dysfonctionne. En y jouant by the book, non seulement on s'éloigne du propos, mais en plus on sera frustré du temps perdu en lancers de dés.
    Par contre, en s'affranchissant du système de jeu et en utilisant quelques techniques adaptées, on peut réussir à obtenir une bonne séance immersive pleine de choix moraux, où les PJs, les PNJs et leurs relations ne sont plus de froides données chiffrées mais de riches enjeux fictionnels.


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  • Critique du jeu Boule de Neige, suite à une partie de test.

    Boule de neige est un jeu à autorité partagée avec MJ.

    Le but est de raconter une histoire, en jouant des scène dans l'ordre antéchronologique (comme dans Irréversible).

    Je n'ai pas lu les règles, juste joué, avec un MJ qui je pense les respectait bien.

    Présentation

    Le canon de l'univers est décidé en commun, puis le jeu débute.

    Le MJ invente une accroche pour chaque scène, et c'est parti pour la narration dont le but est d'amener le scénario au point où a débuté la précédente scène (ou vers une fin intéressante dans le cas de la première scène jouée).

    Les persos sont créés au début de la première scène, et traduits en terme de règles par des traits (un au début).

    Chaque joueur est libre de prendre l'autorité quand il le souhaite, du moment que son perso est impliqué. Il doit normalement mettre en place un enjeu dont la résolution implique l'un de ses traits. S'il n'en a pas qui correspond, il peut tenter d'en acquérir un (il y a d'autres moyen d'en recevoir, mais je ne vais pas rentrer dans les détails).

    Après le description de l'enjeu, le joueur doit présenter succinctement le succès en cas de réussite, et la catastrophe (scénaristique) en cas d’échec, qui sera déterminée par un jet de dés.

    Je précise car ça peut paraître contre-intuitif : le but est de recoller au scenar.

    Un succès doit décrire une scène cool (du point de vu des spectateurs), qui rapproche l'histoire du point suivant.

    Un échec doit décrire une scène cool également, qui éloigne l'histoire de la trame à suivre.

    Ainsi, une tentative d'un perso peut être réussie en cas d'échec et ratée en cas de succès.

    Puis, lancer de dés. S'il y a au moins un 1 alors c'est un succès. S'il y a au moins un 6 alors c'est un échec. Sinon, c'est le MJ qui reprend la narration, en expliquant la résolution de l'enjeu. (Je ne sais pas s'il lui est interdit de choisir le succès ou la catastrophe présentée par le joueur, notre MJ ayant toujours imaginé des résolutions mitigées).

    Le MJ peut aussi imposer un jet quand il voit que la description d'un joueur correspond à un enjeu.

    En dehors de ça, le MJ peut également prendre l'autorité quand il le souhaite, notamment en cas de temps mort.

    Critique

    C'est un jeu à autorité partagée, et comme dans presque tous les jeux de ce type, les joueurs vont se concentrer sur l'histoire et non sur l’interprétation des persos. On s'éloigne du jeu de rôle pour être plutôt dans un jeu à rôle, ou autres jeux de société de type Il était une fois. Je trouve ça dommage, mais bon, tant qu'il y en a qui aiment, ce n'est pas un point négatif propre à ce jeu.

     

    Autre effet très connu des jeux à autorité partagée : le manque de cohérence.

    Ailleurs, on peut se dire qu'on s'en fout, que ce sont des détails, et que tant que c'est drôle ça passe. Mais ici il s'agit du but du jeu : raccrocher aux wagons. L'incohérence de l'histoire pose vraiment problème, et il y a des moments de brainstorming (hors jeu) pour chercher des explications.

    À la fin de la partie, on a du passer ¼ d'h à tenter de recoller les morceaux, après la fin du jeu. Je ne sais pas si c'est normal de l'avoir fait à ce moment là, si c'est par manque de temps…

     

    Un autre point sur la prise d'autorité : il me semble qu'il n'y avait aucune règle (ou convention) pour gérer les contradictions entre joueurs. Moi j'ai pris le parti d'utiliser les règles d'impro (ex : ne jamais nier une déclaration d'un autre joueur), mais ça n'a pas toujours été fait ailleurs. Outre le problème (égoïste) de voir sa super idée balayée, ça pose un soucis aux autres participants : quelle description est la bonne ?

    Je n'ai pas eu le problème avec les autres jeux à autorité partagée que j'ai testés, donc je ne sais pas si ça venait du jeu, ou des joueurs de cette partie de test.

     

    Dernier point de détail sur l'autorité. Lorsqu'on joue la première scène (qui est la dernière du film), il n'y a pas de règles pour déterminer quand le film s'arrête. La seule condition est que tous les persos aient été impliqués. Mais une fois cette condition établie, rien n'empêche un joueur de décrire une scène finale trop classe, mais que le film continue car un autre joueur veut l'emmener dans une autre direction. Pour info, ce problème est parfaitement géré dans l'Agence, durant la phase de prologue.

     

    Ensuite, une critique très personnelle, que je pourrais appliquer à la plupart des jeux à autorité partagée dont le but est de raconter une fiction que j'ai testés, mais les amateurs de ce style de jeux pourront me contredire. À chaque fois, on est parti dans la direction d'une fiction de film ou de série, avec tous les codes qui vont avec, puis tous les clichés et les caricatures. Bon ça ne me dérange pas vraiment (car c'est marrant, et si le but est de s'amuser, c'est probant), mais c'est peut-être dommage pour d'autres joueurs. D'un autre côté, peut-être que justement ces autres joueurs auront plus de maturité et pourront canaliser la fiction vers le canon souhaité.

     

    Pour finir, j'ai une remarque un peu floue : je pense que les scènes étaient trop longues. On en a joué 3 (faute de temps). Si elles étaient longues c'est qu'à la fois on tentait de raccrocher au scenar (c'est le but premier), mais qu'on essayait également d'enrichir la fiction. Bref, beaucoup de choses à faire, et peu de latitude pour travailler sur la cohérence (à chaque fois c'était remis à la prochaine scène). Peut-être qu'avec plus de scènes plus courtes l'intrigue globale aurait pu plus s'installer. Bon, c'est vraiment un ressenti vague…

    Le système

    Parlons ensuite des règles, qui (vous connaissez ma position) ne servent à rien ici aussi.

     

    Au niveau des jets de dés :

    On ne va pas faire de calcul mathématiques complexes. Dans la majorité des cas, le joueur lance 3 dés. Il y a alors environ 30% de chances que ce soit le MJ qui reprenne la fiction, 42% de chances que ce soit un succès et 28% un échec qui éloigne de la trame.

    Sauf qu'une règle que je n'ai pas encore explicitée permet au MJ d'offrir des dés supplémentaires au joueur pour ce lancer, ce qui mathématiquement augmente les chances de succès.

    Au final, soit le MJ récupérera la fiction une fois sur trois, soit il pourra intervenir pour favoriser le succès s'il aime bien cette direction, soit il cherchera à privilégier l'échec en n'offrant aucun dé.

    En conclusion, il serait presque aussi simple, et bien plus rapide, que ce soit le MJ qui choisisse directement l'issue, plutôt que de se cacher derrière un semblant d'aléa.

     

    Dernier point sur les règles : il s'agit d'un jeu à traits, et chaque jet de dé doit être associé à un trait.

    On arrive donc au syndrome dit de la "logistique" (provenant d'un joueur qui dans un jeu à trait pliait toutes les situations pour utiliser son trait "logistique") : beaucoup de jets sont justifiés en tentant de raccrocher à son trait de façon artificielle (et souvent ridicule (mais donc drôle)).

    Ça pourrait être évité en supprimant directement les traits…

     

    Et ma dernière critique : l'adversité.

    Il y a deux adversités dans ce jeu. Celle opposée aux personnages (par des PNJs, éléments de décors…) et celle des joueurs : la cohérence du scenar. Et le jeu est fait pour que ce soit cette dernière qui soit le principal enjeu (ce qui confirme mon troll sur le "jeux à rôle").

    En effet, dans le premier cas, c'est souvent au joueur de décrire l'adversité de son personnage, et il a tous les moyens de la surmonter. C'est chiant (c'est le principe de Czege).

    Dans le deuxième cas, les dés (ou plutôt les « favorisations » du MJ) vont éloigner le scenar de son but, et ça va être aux joueurs de se battre pour récupérer l'affaire.

    Le soucis, c'est que les joueurs vont vite omettre de placer de l'adversité à leur perso, car soit c'est inutile, soit c'est dommageable pour le scenar si le MJ décrète que cela correspond à un enjeu.

    Au final, certaines scènes sont donc un peu fades. Mais je pense que pour s'en sortir, il suffit au MJ de reprendre l'autorité quelques secondes, le temps d'y mettre son adversité.

     

    Conclusion

    Bref : un jeu de société fort sympathique pour passer une bonne soirée, si les participants s'entendent bien et sont sur la même longueur d'onde.

    Mais en tant que jeu de rôle, ça coince.


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